Dernièrement, je me suis moi-même coupé les cheveux à l’aide d’un tutoriel du très scientifique réseau TikTok. Résultat : une tête qui semble avoir été coiffée par un enfant de 5 ans à l’aide d’un rotoculteur. Réaction: rendez-vous chez une coiffeuse, histoire de réparer les dégâts.
À l’heure dite, je m’installe sur la chaise, cheveux humides, avec le reflet d’une charmante styliste capillaire dans le miroir devant moi.
– Coiffeuse : Une nouvelle cliente! J’aime ça faire connaissance! Tu fais quoi dans la vie ?
– Moi : Je suis travailleuse sociale …
– Coiffeuse : AH oui? C’est le fun ça !
Et la voilà, lancée dans un monologue sur ses propres connaissances et habiletés à exercer mon métier. En tant que coiffeuse, je rencontre beaucoup de personnes différentes et elles se confient souvent à moi. Si tu savais ! J’entends toutes sortes d’histoires. Pas plus tard qu’hier, il y a une de mes clientes qui s’est mise à pleurer en me parlant. Imagine-toi donc qu’elle vient de savoir que son mari de 32 dernières années a une aventure depuis des mois. Pauvre madame! Elle pleurait tellement! Moi, je lui ai dit que c’était pas compliqué. Elle n’a qu’à le sacrer là et à divorcer. Moi j’endurerais pas ça un courailleux. Jamais de la vie! Dans le fond, c’est compliqué ta « job ». Je pourrais être une bonne travailleuse sociale moi aussi.
Je devrais charger un extra pour les conseils et l’écoute. Ah! Ah! Ah! Et blablabla, pendant encore plusieurs minutes…
Et moi, de répondre avec bienveillance, c’est vrai que ça a l’air simple vu de cette façon. Les gens ont besoin de parler et peuvent avoir envie de parler à leur coiffeur, leur esthéticienne, leur psychothérapeute. C’est correct de les écouter et même de dire que ce que toi, tu ferais à leur place. Ça part de bonnes intentions. La comparaison s’arrête ici. La même situation se passerait dans mon bureau et déjà une multitude de réactions sont possibles pour cette dame. Veut-elle mettre fin à son couple? Peut-elle mettre fin à son couple? A-t-elle l’intention de lui en parler? De quelle façon? Quelles sont ses ressources matérielles, financières, intellectuelles, relationnelles? Comment perçoit-elle la situation? Se sent-elle responsable de ce qui arrive? Et quoi d’autre? Non, madame coiffeuse, il ne suffit pas d’écouter entre deux coups de ciseaux pour devenir une experte en relations d’aide. C’est un métier. Il y a des études et des choses à savoir, que ce soit en psychologie, travail social, psychoéducation, psychothérapie. Il ne suffit pas de savoir écouter.
Coiffeuse, t’as bien raison. Personne ne m’avait expliqué ça de cette manière. C’est vrai que les choses sont plus souvent plus complexes qu’il m’y paraît.
Je quitte le salon en manifestant ma grande satisfaction. Quant à ma chevelure redevenue soyeuse et bien coupée, je promets de revenir te voir et de ne plus jamais me prendre pour une coiffeuse.
Elle me dit en souriant, je promets de bien te coiffer, de t’écouter, et de ne plus jamais me prendre pour une travailleuse sociale.
Allez plus loin !
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